Surmonter l’épreuve
ma reconstruction du LCA et mon parcours de rééducation
En tant que physiothérapeute dirigeant ma propre clinique dans les Alpes suisses, je travaille avec de nombreux patients en rééducation après une rupture du ligament croisé antérieur (LCA) - particulièrement à la suite d’accidents de ski. Mais rien ne vaut l’expérience personnelle. Ma propre reconstruction du LCA m’a offert une perspective totalement nouvelle : non seulement sur les défis physiques, mais aussi sur les aspects mentaux et émotionnels du rétablissement. Cette expérience directe, combinée aux recherches les plus récentes en rééducation du LCA, me permet aujourd’hui d’accompagner mes patients avec une compréhension encore plus profonde.
La blessure : quand le sport prend une tournure inattendue
Mon parcours a commencé lors de la Coupe du Monde de Touch Rugby 2024 à Nottingham, au Royaume-Uni, quand j’ai ressenti un « pop » net dans mon genou en pivotant. Le diagnostic est tombé : rupture complète du LCA.
Pour les athlètes souhaitant retrouver un niveau sportif élevé, la chirurgie est souvent nécessaire. J’ai donc opté pour une reconstruction à partir de mon propre tendon ischio-jambier, associée à un renforcement latéral visant à améliorer la stabilité rotatoire - une approche bien soutenue par la recherche scientifique.
Phase 1 : Chirurgie et récupération précoce
L’opération n’était que le début. Les premières semaines de récupération sont cruciales pour les résultats à long terme. Durant cette phase, l’objectif principal est de gérer l’inflammation et d’éviter de trop solliciter le genou, par exemple en restant debout ou en marchant excessivement.
Gonflement, inconfort et mobilité limitée sont des symptômes normaux après une telle chirurgie. La priorité est de laisser le genou se stabiliser tout en encourageant doucement le mouvement. J’étais déterminé à aborder ma rééducation comme je le ferais avec un patient : de manière méthodique et régulière.
Les premiers objectifs de physiothérapie étaient :
Gérer la douleur et le gonflement : application de glace, surélévation, compression, et mobilisation douce.
Rétablir l’amplitude articulaire : préserver une mobilité progressive du genou pour éviter les raideurs.
Réactiver les muscles : commencer très tôt les exercices d’activation du quadriceps afin de retrouver une extension complète du genou et prévenir l’inhibition musculaire.
Un point que je souhaite particulièrement souligner, d’après la recherche et mon expérience personnelle, est l’importance de commencer tôt les exercices d’extension du genou sur machine. C’est une étape clé pour retrouver la force et la fonction du quadriceps. Les études montrent que, lorsqu’ils sont encadrés, ces exercices ne présentent pas de risque accru pour le ligament reconstruit.
Phase 2 : régularité, intensité et renforcement
La récupération ne consiste pas simplement à faire des exercices, mais à les faire régulièrement et à la bonne intensité.
Je me suis engagé à aller à la salle de sport trois fois par semaine, en développant progressivement la force de mes quadriceps, ischio-jambiers, fessiers et mollets. Certains jours, cela signifiait renoncer à d’autres activités, mais la constance est la clé du progrès. Et il faut savoir se challenger : si un exercice semble trop facile, il n’est probablement pas assez efficace.
Le travail d’équilibre et de proprioception a également joué un rôle essentiel. Le LCA contribue à la stabilité du genou ; ces exercices permettent au nouveau ligament d’apprendre à remplir cette fonction, préparant ainsi les mouvements spécifiques au sport.
Phase 3 : retour au sport – le déclic mental
Une fois la force et la stabilité retrouvées, j’ai intégré des exercices d’agilité, d’accélération, de freinage, de changements de direction, ainsi que de sauts et de réceptions. Ces entraînements avancés visent à restaurer la confiance et à préparer le genou aux exigences du sport.
Un moment clé fut ma reprise de l’entraînement collectif. Passer ne serait-ce que cinq à dix minutes sur le terrain sans penser à mon genou a été une expérience libératrice. Cela m’a rappelé à quel point la confiance mentale est aussi importante que la récupération physique.
Durant cette phase, j’ai également pris conscience de l’importance du repos, du sommeil et de la nutrition. La récupération fait partie intégrante de l’entraînement - la surcharge sans récupération est contre-productive.
Les hauts et les bas : s’attendre à l’imprévisible
La rééducation après une reconstruction du LCA n’est jamais linéaire. Certains jours sont excellents, d’autres frustrants. Il est essentiel d’éviter les comparaisons : chaque parcours est unique, surtout lorsqu’on jongle entre travail, famille et vie personnelle.
Bien que la littérature suggère un retour au sport entre 9 et 12 mois, la réalité est souvent plus longue et demande patience et persévérance.
Phase 4 : retour sécurisé à la pratique
Un bilan objectif avant la reprise du sport est indispensable : tests de force, de fonction et de qualité de mouvement. Ces évaluations garantissent que le genou peut supporter les contraintes sportives en toute sécurité. C’est à cette étape que la science rejoint la pratique, et c’est là que mon expérience personnelle me permet d’accompagner mes patients de manière encore plus précise.
Points clés à retenir
Régularité et intensité comptent : soyez constant et poussez-vous dans des limites sûres.
Travail précoce du quadriceps : les exercices d’extension du genou sont essentiels pour la fonction et le résultat à long terme.
Résilience mentale : retrouver la confiance sur le terrain est une étape cruciale.
Le repos fait partie de la rééducation : sommeil, alimentation et récupération active sont aussi importants que l’entraînement.
Accepter les fluctuations : le progrès n’est jamais linéaire - la patience est essentielle.
Un rythme personnel : ne vous comparez pas aux délais génériques ; concentrez-vous sur votre propre préparation.
Allier expertise et vécu : vivre cette blessure m’a rendu un meilleur physiothérapeute, capable de comprendre et de soutenir pleinement mes patients.
Mon parcours de reconstruction du LCA m’a confirmé qu’avec détermination, rééducation fondée sur les preuves et accompagnement professionnel, la récupération est tout à fait possible.
Cette expérience m’a apporté des enseignements que j’applique désormais avec chacun de mes patients - qu’il s’agisse de passionnés de ski ou de sportifs d’équipe - pour les aider à retrouver force, confiance et performance, en toute sécurité.